De Diego-Suarez, Ambilobe, Ambanja, Nosy Be, Mahajanga

Le matin, le taxi qui venait nous chercher était en retard d'une bonne heure. Il avait plu toute la nuit et des vents violents s'étaient levés, très violents. Une à deux heures plus tard, vers sept heures nous sommes enfin partis, Juliana et moi. La route était vraiment difficile, notre chauffeur prudent. Arrivés à Ambilobe, le taxi s'arrêtait, la route était coupée, la rivière qui débordait, avait submergé le pont, que faire. L’eau passait par-dessus le pont avec une force et une vitesse impressionnantes. Nous avons attendu plusieurs heures une accalmie, quand notre taxi décidait de rentrer à Diego. Soit nous repartions avec lui soit je décidais de continuer notre chemin, nous étions déjà très avancés, Tout retour en arrière n'était pas envisageable. Juliana venait d'être indisposée, rien de prévu, à la malgache, je lui donnais un tee-shirt pour se protéger. Accompagnés de Malgaches, nous avons alors traversé la rivière et je demandais moyennant rétribution, à un jeune de porter mon sac à dos, je ne sentais pas le fond de la rivière sous mes pieds, je craignais de glisser. La traversée était lente, périlleuse, nous avons mis une bonne demi-heure, nous ne pouvions prendre le plus court, le courant nous obligeant à faire une large courbe. Quant arrivés sur la rive opposée un gars nous dit qu'avec cette eau trouble, nous avions eu de la chance qu'il n'y ait pas eu quelques crocodiles ! Heureusement qu'il le dit après car je n'aurais peut-être pas eu le courage de traverser. Il nous fallait trouver un taxi, ça n'était pas gagné, les très rares demandant un prix inacceptable, mais grâce à Juliana nous avons pu négocier un prix raisonnable, enfin correct. La route était longue et je voyais tout aux bords, des maisons inondées jusqu'aux toits, des gens errant à la recherche d'eau et de nourriture, tout flottait, tout était à vau-l'eau, une vraie catastrophe humanitaire. Vers cinq heures de l'après-midi, du taxi dans lequel nous avons voyagé comme des animaux, entassés les uns sur les autres, ne pouvant même pas déplier mes jambes, nous nous sommes extraits, arrêtés dans un village, plutôt un hameau. Une gargote se trouvait là et nous l'avons dévalisée du peu de ce qu'elle avait à vendre; de l'eau et du riz. Nous avons alors dormi sur la route, à même le bitume, c'était à peu près sec, nous avons essayé de nous reposer, tous très serrés les uns contre les autres, les moustiques étaient voraces. La nuit passée nous avons dû trouver un autre taxi, celui de la veille nous avait affirmé qu'il ne pouvait continuer faute d'autorisation pour rentrer dans le territoire voisin; bref il fallait en chercher un autre et encore négocier. Nous étions finalement en route un jour encore pour vivre une sacrée aventure, rallier Ambanja et prendre un bateau. Ambanja n'était qu'à environ 250 kms de Diego et nous étions sur la route depuis deux jours et pas encore à destination. Arrivés sur place nous avions droit à l'apocalypse. Les vents continuaient de souffler, les pluies étaient diluviennes, nous juste en dessous. La route que nous devions prendre était coupée et c'est à pied que nous avions continuer. Longue d'environ sept kilomètres elle était jonchée des arbres que Gafilo avait arrachés à la terre. C'était impressionnant, ces arbres énormes, couchés sur la route, les racines pointant vers le ciel. Les enjambant, les contournant, passant par-dessus, par-dessous nous sommes arrivés deux à trois heures plus tard dans un petit port où là encore il nous a fallu trouver une embarcation et négocier le prix. Nous étions épuisés, trempés tant Juliana que moi mais de sa part, jamais une plainte, un reproche, une lamentation. Je découvrais la véritable ténacité des malgaches quant à la dureté de leur vie, quant à leurs capacités à surmonter les difficultés que la nature peut leur faire subir. Sur le bateau ou plutôt une embarcation de fortune qui nous ramenait à Nosy Be nous étions submergés par les vagues, en surcharge, trempés mais contents d'arriver au port sains et saufs. A l'hôtel de la Mer, ils nous virent arriver comme des serpillières, nous étions enfin à destination.
Après ces trois jours d'une vie intense et un peu de repos à Nosy Be, nous avons pris le bateau le JP Calloch, retour pour Majunga, au milieu de trois tonnes de concombres de mer, ces limaces de mer qui font bander les Chinois. Tout le monde savait que nous revenions de l'enfer, nous puions le concombre et de retour chez Nono nous voyions que ici aussi à Majunga Gafilo avait sévi. Tous les bungalows étaient détruits, sauf un, lequel je décidais d'occuper, Nono était content de me revoir. Mais quelle misère en ce mois de février 2004.


Mais ce qui m'a profondément choqué c'est que pendant ces trois jours, au milieu d'une population en détresse, je n'ai pas vu une ONG apporter réconfort, eau, nourriture, pas une, alors que moi, sans les moyens dont elles peuvent disposer, j'ai pu rallier Nosy Be. Comment était-ce possible.
A part se faire plaisir dans les restaurants huppés de la capitale, au Sakamanga bien souvent, y dépenser en un repas beaucoup d’argent et aller guincher dans les boîtes de nuit comme Le Caveau à la recherche de quelques filles, que font-elles (je l'ai ai vu de mes propres yeux) !                                                                     A oui, rouler aussi dans des 4x4 flambant neufs, avec air conditionnée et continuer à garder un esprit colonisateur, ça ils savent le faire, il suffit de les observer, ces parasites qui profitent de la misère des autres. Comment peuvent'elles être utiles quand la plupart du temps ce sont des jeunes étudiants en quête d'aventures qui viennent ici pour quinze jours seulement, que peuvent’ils apporter, eux qui n'ont aucune expérience, aucune connaissances du pays, de ses mœurs des ses traditions de ses croyances et de ses coutumes ! C’est certainement depuis ce jour que j’ai revu ma façon de penser sur les aides que ces ONG doivent mettre en place pour vraiment être efficaces. Elles font des rapports, encore des rapports mais sont incapables de donner les solutions, celles qui permettraient aux peuples de vivre mieux. Je ne jette pas la pierre à toutes, il y en a qui font un bon travail, mais elles ne sont pas nombreuses.

Quand que je trouve dans sa chambre le responsable d’une ONG, que je ne veux citer, en galantes compagnies, et qu'aucun doute n'est permis sur la raison de la présence de ces jeunes filles, que penser. J'étais venu lui demander s'il avait des préservatifs, c'était Noel et j'avais décidé de faire quelques cadeaux à toutes les filles du San Antonio, boîte de nuit où elles vont travailler, chercher le casse-croûte, comme elles disent. Il en avait un carton plein.

Un matin je fus réveillé par un attroupement qui prenait le petit déjeuner, au bar juste à côté de mon bungalow, il était très tôt. Je me levais et allais à la rencontre de ces bruyants jeunes hommes et jeunes femmes, décidé à leur faire respecter un silence matinal. Ils faisaient partie d'une ONG, je ne sais plus laquelle, pour une période d'à peine une quinzaine de jours. Tous les garçons avaient à leur côté, une jeune Malgache et toutes les filles, un Malgache et de toute évidence ce n'était pas pour leur conter fleurette.

Ils étaient venus aider le peuple malgache, lui apprendre.....